Anwar Kenneth vient d’être acquitté par la Cour Suprême. Cela faisait 23 ans qu’il était détenu dans les couloirs de la mort, alors qu’il souffre d’une maladie mentale.
Après avoir passé 23 ans dans les couloirs de la mort au Pakistan, Anwar Kenneth est enfin libre. Arrêté pour blasphème en 2001, condamné à mort en 2002 après avoir plaidé coupable, ce catholique aujourd’hui âgé de 72 ans a été acquitté fin juin par la Cour Suprême. Les juges ont estimé qu’une «personne malade mentale ne pouvait pas être tenue pour responsable d’un tel crime».
Ancien fonctionnaire, Anwar Kenneth a toujours fait l’objet d’interrogations sur sa santé mentale. Dès 2002, certains estimaient que, sans cette maladie, il n’aurait jamais plaidé coupable. Mais en plus de deux décennies, aucun avocat commis d’office n’avait accepté de défendre sa cause.
Érudit concernant la Bible
Sa sœur de 83 ans, quant à elle, livre une analyse différente de la situation. «Mon frère était un érudit concernant la Bible. Il participait souvent à des discussions théologiques avec ses amis musulmans et leurs responsables religieux. Il présentait ses convictions religieuses dans des lettres dans lesquelles il ne manquait jamais de respect à personne… Une de ces lettres a été utilisées pour le réduire au silence.»
À l’annonce de son acquittement, des militants islamiques ont protesté à l’intérieur même du tribunal. Mais le prêtre dominicain James Channan, directeur du Centre pour la Paix de Lahore, s’est félicité:
«La justice a mis du temps, mais justice a été faite»
James Channan, prêtre
Néanmoins, «Anwar Kenneth a perdu 23 précieuses années de sa vie. Ceux qui l’ont accusé à tort de blasphème doivent être mis derrière les barreaux – au moins pendant 23 ans» poursuit le prêtre. «De plus, les autorités et le législateur doivent se pencher sur les graves dérapages dans l’utilisation des lois anti-blasphème.»
Lynchages publics
En effet, les condamnations à mort par un tribunal ne sont que la partie émergée de l’iceberg : de simples rumeurs non vérifiées de blasphème provoquent des lynchages publics par des foules en colère. Aujourd’hui, le Pakistan se retrouve en huitième position de l’Index mondial de la persécution.
Selon Thomas Mueller, analyste pour Portes Ouvertes:
«Les lois pakistanaises anti-blasphème sont utilisées depuis des années comme des armes de persécution»
Thomas Mueller, analyste
Et cette persécution augmente. En 2024, Portes Ouvertes a dénombré 344 procès pour blasphème (l’ONG Human Right Watch en a compté 475), alors qu’il n’y en avait eu que… 11 en 2020! Tout le monde se souvient du cas très médiatisée d’Asia Bibi, cette chrétienne pakistanaise condamnée à mort pour blasphème en 2009 et finalement acquittée par la Cour Suprême en 2018. Asia Bibi vit actuellement comme réfugiée politique au Canada.
Désormais, l’acquittement d’Anwar Kenneth «aura un impact sur tous les procès pour blasphème de nature similaire» estime son avocat Rana Abdul Hameed. «Cela va mettre en lumière l’état critique de douzaines d’autres prisonniers porteurs de maladies mentales et accusés de blasphème.» Espérons et prions pour que cela aide également tous les chrétiens pakistanais accusés de blasphème, malades ou sains d’esprit.