Communiqué de presse Pakistan | 30 octobre 2018

Pakistan: Contexte tendu autour de la libération d'Asia Bibi

Condamnée à la peine de mort pour blasphème présumé, Asia Bibi a passé neuf ans derrière les barreaux. Aujourd’hui, sa peine a été annulée et la Cour suprême a ordonné sa libération.

 

 
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Condamnée à la peine de mort pour blasphème présumé, Asia Bibi a passé neuf ans derrière les barreaux. Aujourd’hui, sa peine a été annulée et la Cour suprême a ordonné sa libération. Mais cette affaire n’est pas un cas isolé, et des répercussions sur la minorité chrétienne pakistanaise sont envisageables.

Romanel-s/Lsne, le 31 octobre 2018 - Asia Bibi a passé 9 fois Noël derrière les barreaux et tout laissait présager qu’elle y terminerait encore l’année 2018. En raison des pressions et menaces formulées par divers mouvements islamistes, la révision de son jugement a été retardée ou reportée sans justification durant des années, par plusieurs tribunaux du pays. Le dernier report en date avait eu lieu le 8 octobre.

Aujourd'hui, mercredi 31 octobre 2018, jour de la libération d’Asia Bibi, la capitale Islamabad a été placée dans des conditions de haute sécurité, avec des barrages routiers dans les rues, en particulier près des quartiers où vivent les juges et la communauté diplomatique.

En effet, ces dernières semaines, les islamistes radicaux avaient massivement menacé les juges. Lors d'une conférence de presse, le parti islamique "Tehreek-e-Labaik Pakistan" (TLP) a déclaré que si Asia Bibi était graciée, ils connaîtraient une fin "terrible". Dans un message vidéo, Khadim Hussain Rizvi, chef de file du TLP, a appelé ses partisans à descendre dans la rue et à engager la lutte, quitte à mourir, dans le cas où la décision finale de la Cour Suprême était en faveur d’Asia Bibi.

Un autre groupe religieux, la Mosquée rouge d'Islamabad, a demandé à la Cour suprême d’interdire à Asia Bibi de quitter le pays en cas de libération. La mosquée rouge abrite la plus grande école coranique du Pakistan. Elle compte plus de dix mille étudiants et admet ouvertement son allégeance aux talibans.

Espoir de renforcement de la liberté religieuse

Au moment de rendre leur verdict, les juges ont cité longuement le Coran et d'autres écrits islamiques, soulignant qu'il stipule que les non-musulmans doivent être traités avec bienveillance.

"Nous sommes soulagés d'apprendre que la Cour suprême du Pakistan a porté des accusations contre Asia Bibi simplement sur la base de son identité chrétienne et de fausses accusations contre elle ", a déclaré un porte-parole de l’organisation Portes Ouvertes, au moment de sa libération. "Cette décision nous donne l'espoir que le Pakistan prendra de nouvelles mesures pour renforcer la liberté religieuse et les droits de l'homme dans le pays."

Une vie à fuir les menaces

Depuis l'arrestation d’Asia Bibi, en 2009, sa famille n'a pas connu la paix : "Nous vivons une vie de fuite. Nos vies sont en danger ", dit son mari Ashiq Masih. "Nous continuons à recevoir des menaces de mort et à nous déplacer d'un endroit à l'autre." Aujourd’hui, le danger n’est pas écarté. Déjà à la mi-octobre, son mari a déclaré qu’Asia ne pourrait pas rester au Pakistan en cas d'acquittement.

Danger d’amalgame

Au Pakistan, plusieurs faits divers ont démontré que la colère contre une personne chrétienne peut se muer à une vitesse folle en haine contre toute une communauté. La libération d’Asia Bibi rend la situation très tendue pour les minorités religieuses, en particulier les chrétiens pakistanais, qui craignent les persécutions et les attaque contre les églises et d'autres biens. Les responsables d'églises se sont adressés aux autorités: "Nous appelons donc le gouvernement pakistanais et la Cour suprême à prendre note de l'appel menaçant de Khadim Rizvi. Nous exigeons que le TLP et tous les groupes extrémistes similaires impliqués dans des discours de haine et utilisant la religion comme un instrument pour promouvoir la violence dans la société soient interdits. Nous demandons également au gouvernement et aux organismes d'application de la loi de renforcer la sécurité et d'assurer le déploiement de forces militaires pour protéger la vie et les biens des minorités religieuses, en particulier les chrétiens et les églises.

Peu de temps après la décision de la Cour Suprême en faveur d’Asia Bibi, certains bureaux et écoles ont été fermés. Un chrétien local précise : "les parents s'inquiètent pour leurs enfants, surtout ceux qui fréquentent une école à majorité musulmane. Ils prient qu'ils ne soient pas reconnus comme chrétiens sur le chemin du retour et qu'ils n'attirent pas l'attention."

Une loi qui mène à des applications perverses

Bien que la proportion de chrétiens au sein de la population pakistanaise ne soit que d'environ 2 % - pour environ 96 % de musulmans -, plus d'un quart des accusations pour blasphème depuis 1990 ont été portées contre des chrétiens. Une surreprésentation qui touche également la minorité hindoue.

Dans la pratique, l'accusation pour blasphème est fréquemment détournée et utilisée pour résoudre des conflits personnels. Parce que les acquittements conduisent souvent au lynchage (selon "The Economist", au moins 62 personnes ont été tuées pendant ou après un tel procès) ou à la fuite de la zone d'origine.

Deux partisans bien connus d'Asia Bibi, Salmaan Taseer et Shahbaz Bhatti, ont également subi le même sort. Tous deux ont été tués en 2011. Ils ont fermement soutenu le cas de la jeune femme et préconisé une réforme des lois sur le blasphème dans le pays.

De l'incident à la condamnation à mort

Pour rappel, Asia Bibi a été arrêtée le 19 juin 2009 dans le village d'Itanwali, à 75 kilomètres à l'ouest de Lahore. Travaillant dans un verger, elle est allée puiser de l'eau pour les ouvriers, sur l'ordre d'un fermier. Cependant, ils ont refusé de boire, affirmant que le récipient était "impur" parce qu'il avait été touché par une femme chrétienne.

Une dispute a éclaté. Asia Bibi a été traînée par des musulmans en colère dans une mosquée. Là, ils l’on contraint à renier sa foi chrétienne. Quand elle a refusé, elle a été battue et violée avant d'être remise à la police. Le 8 novembre 2010, un tribunal de Nankana, à l'ouest de Lahore, l'a condamnée à mort par pendaison en vertu de la loi anti-blasphème en vigueur dans le pays.

 


 

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