Romanel-s/Lsne - L'ampleur de la violence contre les chrétiens a atteint un nouveau sommet ces dernières années, rapporte Portes Ouvertes, l'organisation internationale d'aide aux chrétiens persécutés. Au cours de la période de référence - 1er octobre 2021 au 30 septembre 2022 - du nouvel Index mondial de persécution, au moins 5’621 chrétiens ont été tués à cause de leur foi. La violence à leur encontre a considérablement augmenté, en particulier au Nigeria (6e rang) et dans toute l'Afrique subsaharienne. De plus, l'autoritarisme croissant ainsi que le nationalisme idéologique aggravent la persécution et la discrimination dont les chrétiens sont largement victimes dans 76 pays.
30 ans de l’Index mondial de persécution - Une évolution choquante
L'Index mondial de persécution de Portes Ouvertes est publié chaque année depuis 1993. Il mesure la persécution et la discrimination des chrétiens dans les 50 pays où il est le plus dangereux pour eux de vivre et de professer leur foi. Les chrétiens y sont tués ou emprisonnés, harcelés par les autorités et systématiquement désavantagés, battus, enlevés, abusés sexuellement, mariés de force ou contraints de quitter leur maison et leur pays.
Depuis 30 ans que Portes Ouvertes établit l'Index mondial de persécution, la persécution des chrétiens dans le monde a augmenté de façon alarmante.
«Depuis 30 ans, nous avons pu démontrer la crédibilité de notre rapport annuel sur la persécution des chrétiens dans le monde», explique Philippe Fonjallaz, directeur de Portes Ouvertes Suisse. «L’évolution à long terme nous préoccupe, car la persécution et les atteintes à la liberté de religion n’ont jamais été aussi fortes qu’actuellement. Nous avons la responsabilité de faire connaître la situation de ces millions de chrétiens, soumis à toutes sortes d’atteintes à leurs droits fondamentaux, afin que leur voix soit entendue. Les résultats de l’Index mondial de persécution nous permettent aussi de cibler notre soutien auprès de ceux qui en ont le plus besoin, que ce soit au niveau spirituel, socio-humanitaire ou par la prière. Nous souhaitons ainsi leur donner espérance et courage.»
Les dix pays les plus dangereux pour les chrétiens - La Corée du Nord de retour au 1er rang
À la suite de la prise de pouvoir par les talibans, qui ont assassiné de nombreux chrétiens à cause de leur foi à partir d'août 2021 et poussé quelques milliers d'autres à fuir, l'Afghanistan avait pris pour la première fois la première place de l’Index 2022. Au cours de l'année dernière, les talibans se sont davantage concentrés sur l’exécution de ceux qui avaient des liens avec l'ancien régime que sur l’éradication du très petit nombre de chrétiens restants.
La situation des chrétiens dans le pays reste néanmoins extrêmement dangereuse. Pour l’Index 2023, il n’a toutefois généralement pas été possible de savoir si les talibans ont assassiné des personnes en raison de leur appartenance ethnique ou de leur collaboration avec les forces armées et les ONG occidentales, ou parce qu'elles étaient chrétiennes. Il n'y a souvent pas eu de preuves claires de persécution en raison de la foi. C'est pourquoi le nombre d'actes de violence documentés est resté faible, influençant le score de l’Index 2023, où l'Afghanistan se classe finalement au 9e rang.
La vie de nombreux chrétiens qui ont fui dans les pays voisins est très incertaine. «Notre situation est désespérée», rapporte Zabi, une chrétienne afghane déplacée. «Ma mère et moi avons réussi à traverser la frontière pour nous rendre dans un autre pays. Je prie de pouvoir quitter ce pays et aller dans un endroit sûr. Il se peut que je doive entrer dans la clandestinité ou que je sois renvoyée en Afghanistan. Si cela se produit, je pourrais être tuée».
En parallèle, les talibans, qui tentent désespérément de faire fonctionner le pays, sont très intéressés par la présence de travailleurs étrangers, comme des médecins ou des ingénieurs, en Afghanistan. L'appartenance religieuse des étrangers n'est pas aussi étroitement surveillée, ce qui a également un impact sur l'évaluation globale de la persécution.
La Corée du Nord revient à la première place, qu'elle a occupé - à l'exception de la dernière période de référence - depuis l’Index 2002. Avec 98 points, le pays atteint son score le plus élevé depuis les début de l’Index; suite à l'introduction de la nouvelle «loi sur les idées réactionnaires», davantage d'églises de maison ont été découvertes et de chrétiens arrêtés. Une arrestation signifiant l’exécution ou l’internement à vie dans l'un des camps terriblement inhumains pour prisonniers politiques, où les détenus meurent presque de faim, sont torturés et subissent des violences sexuelles.
«Les chrétiens ont toujours été en première ligne des attaques du régime. Leur objectif est d'exterminer tous les chrétiens du pays. En Corée du Nord, il ne peut y avoir qu'un seul Dieu, et c'est la famille Kim», explique Timothy Cho, un réfugié nord-coréen, pour décrire la situation désespérée des chrétiens.
Nigeria et Afrique subsaharienne: une catastrophe qui se propage sur le continent
L'Afrique subsaharienne est confrontée à une énorme catastrophe humanitaire alors qu'une vague de violence religieuse, qui a pris naissance au Nigeria (#6), déferle sur la région et prend pour cible les populations chrétiennes de pays comme le Burkina Faso (#23), le Cameroun (#45), le Mali (#17) et le Niger (#28) à une échelle alarmante. Les militants islamistes déstabilisent toute la région avec une violence extrême. Elle reste la plus extrême au Nigeria, où les combattants Peuls, de Boko Haram, de l'État Islamique en Afrique de l'Ouest (ISWAP) et d'autres groupes islamistes attaquent, tuent, mutilent, violent et enlèvent des membres des communautés chrétiennes pour les rançonner ou les réduire en esclavage sexuel. Le nombre d'homicides motivés par la religion au Nigeria est passé de 4’650 l'année dernière à 5’014, soit un pourcentage effrayant de 89% du total mondial.
La violence djihadiste est devenue monnaie courante dans toute l'Afrique subsaharienne, 26 pays de la région affichant un niveau de persécution très élevé. Ainsi, le Mozambique (#32), la République démocratique du Congo (#37) et d'autres pays présentent également des signes évidents de propagation du djihadisme. La campagne terroriste islamiste est alimentée par le trafic d'êtres humains, les changements climatiques et l’afflux de mercenaires.
«Toute la région se dirige vers une catastrophe», explique Frans Veerman, directeur du département de recherche de Portes Ouvertes (World Watch Research). «L'objectif de l'Etat Islamique et des groupes qui lui sont liés est de déstabiliser toute la région et d'établir un califat islamique – à terme sur tout le continent. Ils sont convaincus qu'ils peuvent y parvenir dans un avenir proche. Ils sont soutenus en cela par d'autres islamistes qui misent sur une islamisation systémique et non violente. Ce ne sont pas seulement les gouvernements africains qui refusent de faire face à la véritable nature de cette épuration à caractère religieux, mais les gouvernements du monde entier. Le prix de ce refus est incalculable, pas seulement pour l'Afrique, mais pour le monde entier».
L'autoritarisme en Chine et dans d'autres pays vise à un contrôle total des églises
Les régimes autocratiques comme la Chine (#16) misent sur un contrôle total de toute vie ecclésiale, qu'ils veulent étouffer par des lois strictes et un nationalisme idéologique. Une loi de mars 2022 n'autorise que les églises et les ONG disposant d'une licence, et donc se conformant à l’idéologie en place, à diffuser des contenus religieux sur Internet. L'accès aux services religieux en ligne, qui se sont multipliés depuis la pandémie, ainsi qu'au matériel pédagogique chrétien et à la Bible, est ainsi interdit à de nombreux chrétiens. Les contrevenants sont passibles de lourdes peines de prison. La Chine est à nouveau un pays dans lequel les chrétiens se réunissent dans des églises de maison pour échapper à la surveillance, parce que beaucoup d’églises et d’institutions religieuses ont été détruites ou fermées.
En outre, la Chine mène une campagne internationale pour redéfinir les droits de l'homme, en s'éloignant des notions traditionnelles et universellement reconnues au profit de «droits» plus subjectifs tels que les moyens de subsistance, le développement et la sécurité (illustré par un discours du ministre chinois des Affaires étrangères devant le Conseil des droits de l'homme des Nations unies en 2021).
En Inde (#11), les chrétiens sont soumis à des arrestations arbitraires et risquent jusqu'à 10 ans de prison, en raison de lois anti-conversion appliquées actuellement dans 12 États. Une loi à l’échelle nationale est en cours de préparation. Au cours de la période de référence, plus de 1’700 chrétiens ont été emprisonnés pour ce motif. D'autre part, les attaques des hindous radicaux contre les chrétiens sont toujours à l'ordre du jour. Souvent, ils incitent des personnes de leur entourage immédiat à la violence, et la foule ainsi formée s'en prend très brutalement aux chrétiens, les maltraite, détruit des maisons et des commerces. La plupart du temps, ni les auteurs ni les instigateurs ne sont punis.
L'autoritarisme croissant de gouvernements d'Amérique latine, associé à une attitude de plus en plus hostile envers les églises et la foi chrétienne, place pour la première fois le Nicaragua (#50) sur l'Index mondial de persécution, mais la situation des chrétiens s'est également fortement détériorée en Colombie (#22), au Mexique (#38) et à Cuba (#27). Ainsi, au Nicaragua et à Cuba, les responsables d'églises subissent des pressions et sont arrêtés, la surveillance est renforcée, les bâtiments d’églises sont confisqués et les autorisations sont refusées. Le crime organisé s’est imposé dans de nombreux pays d'Amérique latine, notamment dans les zones rurales où les chrétiens qui s'opposent aux activités des cartels sont réprimés.
La lutte pour l'existence de l'Église au Moyen-Orient
L'Église chrétienne au Moyen-Orient continue de se rétrécir. Elle n'a pas réussi à se relever après la montée en puissance de l'État Islamique, bien que le nombre de chrétiens tués ait diminué ces dernières années (exception faite de la Syrie (#12), où une vague d'attaques violentes a eu lieu pendant la période de référence de l’Index 2023). «C'est le berceau du christianisme, et une grande partie de l'Église perd espoir. Le quotidien, fait de discrimination et de pauvreté est trop difficile à supporter, surtout pour les jeunes qui ne voient pas d'avenir ici en tant que croyants», explique Rami Abed Al-Masih, responsable régional du plaidoyer pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, pour expliquer cette évolution dramatique.
Un Top 50 avec des niveaux de persécution très élevés et extrêmes
Environ 5,1 milliards de personnes vivent dans les 50 pays de l'Index mondial de persécution, dont environ 737 millions de chrétiens, parmi lesquels environ 312 millions sont exposés à des niveaux très élevés à extrêmes de persécution et de discrimination. Au moyen du score obtenu (cf. document «Méthodologie de l’Index» en annexe), les pays sont classés dans les niveaux de persécution «extrême» (81-100 points), «très élevée» (61-80 points) ou «élevée» (41-60 points).
Top 10 de l’Index mondial de persécution 2023 (rang du classement 2022 entre parenthèses)
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